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J'étais descendu pour acheter du pain. Je courais donc sur le trottoir et pris un raccourci.
« N'emprunte jamais le passage du Coupe-gorge ! » disait mon père.
Et il ajoutait avec un clin d'œil : « Tu pourrais rencontrer le loup ! »
Mais ce soir, j'étais pressé. Je ne voulais pas manquer les "Infos-folies" à la télévision... C'est pourquoi, je pris le raccourci interdit.
Rares étaient les passants dans cette ruelle sombre. Le Coupe-gorge ! Autrefois, cet endroit portait bien son nom. J'avoue que je n'étais pas très rassuré et je sifflotais intérieurement pour me donner du courage.
Soudain, j'aperçus une silhouette qui marchait difficilement... et deux mètres plus loin, une ombre grande et mince. Celle-ci bondit, leva le bras et l'abattit brutalement... Un éclair brilla dans la nuit ! La silhouette s'affala. L'ombre s'agenouilla pendant quelques secondes... puis s'évanouit dans l'obscurité.
J'aurais voulu hurler, mais je restais muet. J'étais paralysé. Mon corps refusait d'obéir. Mes jambes flageolaient, mais n'avançaient plus.
Une sirène de police se fit entendre. Des faisceaux lumineux balayèrent le passage du Coupe-gorge. Des hommes s'élancèrent dans la ruelle en ordonnant :
« Ne bougez plus ! »
Moi, j'étais toujours immobile, les yeux écarquillés. De toute façon, j'aurais été incapable de faire un pas.
Deux infirmiers se précipitèrent vers le blessé et l'examinèrent. L'un d'eux hocha la tête :
« Ça va. Le vieux monsieur Pétuel s'en sortira. »
Et ils l'emportèrent sur un brancard.
Pendant ce temps, des hommes armés fouillaient chaque maison et le moindre recoin.
Peu après, cinq personnes furent rassemblées non loin de moi :
une vieille femme effarée qui répétait : « Je n'ai rien fait ! Je n'ai rien fait ! » ;
un homme bedonnant à l'œil mauvais ;
une jeune fille, plutôt grande, vêtue d'un large peignoir, et qui sortait visiblement de sa douche ;
un jeune homme grand et mince, dont le pied était plâtré ;
et une petite femme qui ricanait : « Si c'est le père Pétuel, bon débarras ! Il ne fera plus faire son sale chien devant ma porte ! ». Bizarre... Comment connaissait-elle le nom de la victime ?
Je les regardais l'un après l'autre, quand le commissaire se tourna vers moi :
« Dis donc ! Tu as tout vu, toi ? »
J'approuvai de la tête. L'un des cinq suspects était le coupable. Oui, mais lequel ?