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(9-11 ans) Le crocodile agent secret

Texte paru aux éditions Vif Argent, mais qui n'est plus disponible depuis longtemps.

LE CROCODILE AGENT SECRET - Ann Rocard



Célestin Crocomalin était un crocodile très intelligent.
Il devinait toujours tout. Il lui suffisait de fermer les yeux et de réfléchir très fort pour trouver la solution. C’est pourquoi Célestin Crocomalin avait choisi un métier qui lui convenait parfaitement : agent secret.
Il habitait au dernier étage d’un petit immeuble, 6, rue du Bandit-Fou. D’ailleurs, depuis que Célestin Crocomalin (dit C.C.) s’y était installé, plus aucun bandit n’osait s’y aventurer.

DRING... Le téléphone sonna. Le crocodile décrocha :
« Allô !
— Allô, ici P.P.
— Ici C.C., je vous écoute.
— Le président de la République risque d’être enlevé la nuit prochaine. Vous devez le sauver ! Compris ?
— Compris, P.P. !
— Comme d’habitude, l’appareil s’autodétruira dans les cinq secondes. »
Célestin raccrocha et recula d’un pas.
Cinq secondes plus tard : pchchch... le téléphone disparut en fumée.



illustration réalisée par des élèves du cycle 3
de l'école de Cazes-Mondenard (au nord de Montauban)




« Je n’ai pas de temps à perdre », dit le crocodile.
C.C. enfila son imperméable à carreaux, redressa son col pour cacher sa large bouche aux dents pointues, mit sa casquette et ses lunettes noires. Il attrapa sa loupe, son carnet secret et son stylo à encore invisible.
Voilà : il était prêt. Les kidnappeurs du président n’avaient qu’à bien se tenir.


illustration réalisée par des élèves du cycle 3
de l'école de Cazes-Mondenard (au nord de Montauban)




Célestin descendit quatre à quatre les marches de l’escalier. Il entra au café du coin de la rue du Bandit-Fou et demanda à Jules, le serveur :
« Un diabolo cassis avec deux pailles et trois glaçons !
— Tout de suite, monsieur. »



illustration réalisée par des élèves du cycle 3
de l'école de Cazes-Mondenard (au nord de Montauban)




Jules connaissait bien l’agent secret à l’imperméable à carreaux. Quand celui-ci demandait un diabolo cassis, c’est qu’il partait en expédition. Quand il voulait un diabolo menthe, c’est qu’il avait besoin de réfléchir.
Le serveur l’interrogea avec un clin d’œil :
« Une nouvelle enquête ?
— C’est exact. Un diabolo menthe avec trois pailles et quatre glaçons, petit ! »

Les yeux fermés, tout en savourant son deuxième diabolo, le crocodile réfléchissait. Il y avait trois questions importantes :
• Qui voulait enlever le président ?
• Pourquoi voulait-on enlever le président ?
• Où allait-on enlever le président ?
Quelques minutes plus tard, Célestin Crocomalin articula :
« Un : IL ne l’aime pas. Deux : parce qu’IL ne l’aime pas. Trois : dans son lit. »
Jules, admiratif, ne quittait pas l’agent secret des yeux, et il proposa :
« Je peux peut-être vous aider ?
— Pourquoi pas, Jules ! Si à quatre heures du matin je ne suis pas rentré, rendez-vous devant l’appartement du président de la République. Je te laisserai un message codé, d’accord ? »
Le serveur soupira :
« Mais je ne sais pas déchiffrer les codes secrets...
— Tu n’auras qu’à lire tous les mots à l’envers. O.K. ?
— D’accord ! »

Célestin Crocomalin posa une pièce sur la table et s’en alla. Il devait d’abord vérifier si le président dormirait bien chez lui cette nuit.
Le crocodile téléphona à l’un de ses amis qui était toujours au courant de tout :
« Allô, c’est toi B.B. ?
— Oui, c’est moi B.B.
— Ici C.C. Où le président de la République va-t-il passer la soirée ? »
B.B. répondit à voix basse :
« Personne ne le sait. Mais il est parti se reposer pendant deux jours avec sa femme, dans un lieu inconnu. Écoute, je suis occupé, je ne peux pas te parler plus longtemps. »
Le crocodile sursauta : un lieu inconnu ? C’était la catastrophe !

Célestin Crocomalin se rendit aussitôt devant la porte de l’appartement du président. Il sortit sa loupe et chercha des indices. Un peu de terre, des cheveux blonds, de la terre...
« De la terre ? Voilà un indice qui me semble intéressant. Voyons si j’en trouve encore... »
Célestin Crocomalin suivit les traces de terre le long du couloir, dans l’ascenseur, dehors sur le trottoir... Il se trouva nez à nez avec un homme moustachu, vêtu d’un costume bleu et coiffé d’une casquette de chauffeur.
Surpris, l’homme demanda :
« Vous avez perdu quelque chose ?
— Non, au contraire. Je crois que je l’ai trouvé ! Dites-moi, vous ne seriez pas le chauffeur du président de la République ?
— Si, exactement. »
Le crocodile agent secret rangea sa loupe et chuchota à l’oreille du chauffeur :
« Où avez-vous conduit le président et sa femme ?
— Motus...
— C’est le nom d’une ville, Motus ?
— Non, motus et bouche cousue. Je ne dois en parler à personne. »
Célestin Crocomalin insista :
« Même si c’est une question de vie ou de mort ?
— Motus, motus et re-motus ! » fit le chauffeur qui s’installa au volant de son énorme voiture et mit le moteur en marche.



illustration réalisée par des élèves du cycle 3
de l'école de Cazes-Mondenard (au nord de Montauban)




Alors le crocodile n’hésita pas une seconde : il entrouvrit le coffre et se glissa discrètement dans la voiture entre un pneu et un sac de voyage.
Avant que la voiture ne démarre, Célestin Crocomalin eut juste le temps de griffonner quelques mots sur une feuille de papier, quelques mots écrits à l’envers... Jules essaierait peut-être de le retrouver. Et le crocodile abandonna la feuille sur le trottoir :
seluj le rueffuahc tias ùo ej sius.
Il n’y avait guère de chance que ce message secret parvienne à son destinataire.

La voiture roula pendant une heure environ. Le chauffeur rejoignait sans doute le président de la République.
Quand la voiture s’arrêta, C.C., tapi dans le coffre, ne bougea pas. Une portière claqua.
Des pas s’éloignèrent sur des graviers. Plus un bruit...
Célestin Crocomalin attendit quelques instants, puis chuchota :
« Je peux y aller maintenant... »
Il sortit du coffre. La nuit était presque tombée. Le crocodile aperçut une grande maison dans un parc : le président se trouvait là, il en était sûr ! Ce serait facile de le protéger.

Célestin Crocomalin s’approcha de la maison sur la pointe des pattes. Soudain, il entendit des voix :
« Max, tout est prêt ?
— Oui.
— Il y a un problème...
— Quel problème ?
— Quelqu’un m’a interrogé au sujet du président. Sans doute un journaliste qui voulait l’interviewer.
— Tu es sûr qu’il ne t’a pas suivi ?
— Sûr et certain ! »
Le chauffeur moustachu parlait avec une autre personne, un certain Max.Et si le président n’était pas dans cette maison ? Et si le chauffeur faisait partie de la bande des kidnappeurs ? Célestin Crocomalin ne savait plus que penser.
« Il faut que je surveille ces deux affreux... »

Un moment plus tard, le chauffeur et son complice ressortirent de la maison et se dirigèrent vers la voiture. Le crocodile agent secret les suivit et se glissa de nouveau dans le coffre. Malheureusement, il ne pouvait pas entendre ce que disaient les deux hommes ; et dans la nuit noire, il ne voyait rien du tout.
La voiture ne roula pas longtemps. Elle stoppa près de la grille d’un jardin. Max et le chauffeur descendirent, puis le moustachu ordonna :
« Va chercher le sac de voyage qui est à l’arrière !
— Qu’y a-t-il dedans ?
— Un flacon de chloroforme pour endormir le président et un grand morceau de tissu... »
Pendant que les deux hommes discutaient, Célestin Crocomalin sortit précipitamment de la voiture et se cacha à quelques pas de là.
Max alluma une lampe de poche et dirigea la lumière vers le coffre. Il prit le sac de voyage et s’étonna :
« Tu as besoin de tes lunettes noires ?
— Quelles lunettes noires ? Où vois-tu des lunettes noires ? »
Le crocodile agent secret tâta ses yeux : flûte ! Sa paire de lunettes avait glissé de son nez ! Il rampa aussitôt loin de la voiture pour ne pas se faire repérer.
Max tendit les lunettes à son complice. Le chauffeur les prit et poussa un juron terrible :
« Salapikou-tachimaru !
— Elles ne t’appartiennent pas ?
— Mais non, Max ! Ce sont celles du journaliste qui n’était peut-être pas plus journaliste que moi !
— Tu étais pourtant sûr de ne pas avoir été suivi.
— Occupons-nous d’abord du président ; nous chercherons l’autre après ! » dit le moustachu.
Les deux hommes s’éloignèrent dans la nuit, emportant le flacon et le large tissu. Célestin Crocomalin les suivit de loin.

Le chauffeur et son complice pénétrèrent sans le moindre bruit dans une grande maison. Quelques minutes plus tard, ils en ressortaient, portant un lourd paquet : une forme allongée, enveloppée dans le tissu. Max ricanait :
« Eh, eh, eh... Avec tout le chloroforme qu’on lui a fait respirer, il n’est pas prêt de se réveiller.
— Tais-toi donc, imbécile ! »
Célestin Crocomalin décida alors d’employer les grands moyens. Il ne restait qu’une solution : se montrer sous son vrai jour ! Il enleva son imperméable à carreaux et sa casquette, son pantalon, ses chaussures, ses chaussettes... Il prit l’air le plus féroce possible ; un air terrible de crocodile, et il poussa un rugissement épouvantable :
« Grrr !
— Max, arrête de grogner !
— Je n’ai rien dit, protesta son complice.
— Grrr !
— Si ce n’est pas toi, qui fait ce bruit ?
— Grrr ! »
Les deux hommes écarquillèrent les yeux : là, à deux pas d’eux se tenait un crocodile aux dents pointues, un crocodile au regard terriblement féroce ! Max et le chauffeur se mirent à hurler :
« Au secours ! Un croco... un croco !
— Au secours ! Fififi... Filons ! »
Les deux complices lâchèrent leur paquet qui roula par terre et s’enfuirent sans se retourner.

Célestin Crocomalin se rhabilla aussitôt. Il récupéra ses lunettes noires que le moustachu avait abandonnées sur le sentier. Puis il sortit le président de la République de sa prison en tissu et le porta jusqu’à son lit.
Le président dormait encore profondément :
« Que se passe-t-il ? »
L’agent secret sourit et chuchota :
« Vous êtes en train de rêver qu’un crocodile vous porte dans ses bras...
— Quel rêve formidable, merveilleux, extraordinaire... » dit le président qui enfouit sa tête sous l’oreiller.

Célestin Crocomalin regarda sa montre fluorescente : il était exactement cinq heures du matin. Il commençait à avoir sommeil, mais ne savait pas comment rentrer chez lui.
Il s’appuya contre la grille du jardin et ferma les yeux. Tout à coup, un bruit de moteur le réveilla en sursaut : les deux bandits étaient-ils de retour ? Mais non ! C’était Jules !
« Salut ! Je suis venu vous chercher. »



illustration réalisée par des élèves du cycle 3
de l'école de Cazes-Mondenard (au nord de Montauban)




Le serveur du petit bar était là sur sa moto. Le crocodile s’étonna :
« Vous avez trouvé mon message secret ?
— Oui, et je l’ai déchiffré. Il était marqué : Jules, le chauffeur sait où je suis. Alors j’ai guetté le retour du chauffeur du président. Quand il est arrivé, il avait l’air tellement effrayé qu’il a répondu sans problème à toutes mes questions. Et me voilà ! »
Célestin Crocomalin s’assit derrière Jules et la moto s’éloigna à toute vitesse.

Quand le crocodile se retrouva enfin chez lui, il vit que son chef était passé en son absence : un nouveau téléphone se trouvait sur son bureau. Une petite carte était posée juste à côté... et sur la carte, on avait griffonné ces mots :
Je suis sûr que vous avez réussi, C.C.
Bravo et bonne nuit !
Signé P.P.


L’agent secret s’allongea sur son lit sans même enlever son imperméable à carreaux, sa casquette et ses lunettes... et il s’endormit.


À vous de m'envoyer d'autres illustrations pour cette histoire... et d'inventer une nouvelle aventure du crocodile agent secret !


Date de création : 27/11/2006 : 22:10
Dernière modification : 20/12/2012 : 10:21
Catégorie : Nouvelles (ados-préados)
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