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(4-8 ans) Robusto, le robot (Histoires (enfants))
ROBUSTO, LE ROBOT
Ann Rocard
Robusto est un robot extraordinaire :
il est recouvert de métal doré,
coiffé d’une casquette à triple antenne,
et il porte autour du cou
un collier de petits boutons de toutes les couleurs.
Robusto sait tout faire :
mettre le couvert,
débarrasser la table,
cirer les chaussures,
ranger une chambre en un clin d’œil…
Il est vraiment EX-TRA-OR-DI-NAI-RE.
Il vit dans une petite ville,
bâtie au bord de la rivière Brille,
et il chantonne sans arrêt :
« Je suis un petit robot.
Je m’appelle Robusto.
Je suis extraordinaire
car je sais presque tout faire ! »
Un jour, il rencontre deux enfants :
Sonia et son petit frère Florian.
« Viens avec nous, dit Sonia.
- On va te montrer nos jouets », ajoute Florian.
Ces deux enfants ont l’air si coquin
que Robusto les suit : hop… hop… hop ! en sautillant.
Florian et Sonia n’aiment pas mettre le couvert,
débarrasser la table,
cirer les chaussures
et encore moins ranger leur chambre !
Leur maman se met sans arrêt en colère…
mais les deux enfants n’obéissent jamais .
Depuis son arrivée dans la maison,
Robusto observe Sonia et Florian.
Le soir même, il leur propose quelque chose :
« J’ai peut-être une idée…
Trouvez-moi une cachette
et je vous aiderai à faire tout ce que vous détestez. »
Sonia et Florian n’en reviennent pas :
« Tu pourrais mettre le couvert à notre place ?
demande la petite fille.
- Evidemment ! dit Robusto.
- Tu saurais débarrasser la table
- sans laisser de miette sur le plancher ? s’étonne Florian.
- Evidemment ! dit Robusto.
- Tu cirerais les tennis blanches
- sans étaler du cirage sur le carrelage de la cuisine ? s’écrie Sonia.
- Evidemment ! dit Robusto.
- Tu serais capable de ranger notre chambre
- en un clin d’œil et de faire nos deux lits ?
- s’exclame le petit garçon.
- Evidemment ! dit Robusto.
- Mais il faudra m’aider quand même un petit peu. »
Florian et sa sœur se mettent à danser.
Ils sautent de joie.
Bien sûr qu’ils aideront le drôle de robot !
« Promis, juré ! Promis, juré ! »
Ils sont si contents
qu’ils découvrent une super cachette
où personne ne viendra dénicher Robusto.
À partir de ce jour-là,
le robot extraordinaire installe sa chambre
tout au fond du placard du couloir,
derrière l’aspirateur à trois moteurs.
Quand la maman de Sonia et de Florian
n’est pas dans les parages,
il sort sans bruit de sa cachette : hop… hop… hop !
ZIP… il met le couvert !
ZOUP… il ne cire pas seulement les tennis blanches,
mais toutes les chaussures de la maison !
ZAP… il range la montagne de jouets,
accumulés dans la chambre des enfants
en chantonnant :
« Je suis un petit robot.
Je m’appelle Robusto.
Je suis extraordinaire
car je sais presque tout faire ! »
Oui, il range la chambre.
Mais il la range vraiment.
Il ne se contente pas d’entasser des objets dans un coffre,
de pousser les livres sous les lits superposés
ou de cacher des trésors dans la boîte à chaussettes.
ZUP… il débarrasse la table,
il lave la vaisselle et il ne laisse jamais
la moindre miette sur le plancher.
La maman de Sonia et Florian n’en croit pas ses yeux :
« Que mes enfants sont ordonnés ! C’est fantastique ! »
Et elle les interroge :
« Que vous est-il arrivé ?
- Rien du tout, répond Sonia.
- On a décidé de devenir sages », dit Florian.
Robusto n’aime pas les mensonges.
Chaque soir, il vient souhaiter
une bonne nuit aux deux enfants
et il répète toujours la même phrase :
« Vous aviez promis de m’aider un peu…
- Demain ! Demain ! interrompt Sonia.
- Un jour, je m’en irai
- et vous ne me retrouverez plus jamais, grogne le robot.
- Pas possible, s’écrie Florian en riant.
- Tu nous aimes trop ! Nous aussi, on t’aime.
- Bonne nuit ! Fais de beaux rêves ! »
Chaque soir, les deux enfants embrassent Robusto
et s’endorment aussitôt.
Pauvre petit robot !
Il regagne son placard, mais il a le cœur gros.
Alors un matin, Robusto en a vraiment assez.
Il décide de s’en aller sans prévenir personne,
pendant que les enfants sont à l’école.
Quelle mauvaise surprise
pour la maman de Sonia et de Florian
quand elle découvre tout sens dessus dessous :
les lits défaits,
la chambre dans un tel état qu’on ne pas y mettre un pied,
la table de la cuisine couverte de confiture de groseilles,
le carrelage qui disparaît sous les miettes de pain…
Une vraie catastrophe !
Elle en reste bouche bée.
À ce moment-là, la porte s’ouvre :
Sonia et Florian rentrent de l’école.
« Que s’est-il passé ? » crie leur maman.
Les deux enfants ne répondent pas.
Ils s’assoient tristement sur un tabouret
car ils viennent de comprendre :
leur ami Robusto est parti !
« Il va sûrement revenir ce soir »,
chuchote Sonia à l’oreille de son frère.
Mais le lendemain, le robot n’est toujours pas là.
Une semaine s’écoule.
Quand Sonia et Florian arrivent à la maison,
ils se précipitent dans le couloir
et ils explorent le placard de l’aspirateur à trois moteurs…
Hélas, Robusto a bel et bien disparu !
« J’ai une idée, dit Florian.
On va préparer des petites affiches
qu’on mettra dans les magasins.
- D’accord ! approuve Sonia.
On va demander à la voisine de nous aider. »
Peu après, une série de cartes est prête :
Robusto, reviens !
Robusto, tu nous manques trop !
Robusto, on t’aidera, c’est promis !
Robusto, on t’aime ! Robusto, on t’attend !
Et ils vont porter les cartes dans les boutiques du quartier.
Mais le robot ne répond pas.
Il ne donne pas le moindre signe de vie.
Où est-il donc ?
Quand Robusto est parti,
il a décidé de faire le tour du monde.
Plus de chambre à ranger, car il vit en plein air.
Plus de couette à tirer ; il dort dans un sac de couchage.
Plus de couvert à mettre ni de vaisselle à laver ;
il mange avec ses doigts de fer
des pilules spéciales pour robot.
De temps en temps, Robusto se sent un peu triste.
Il regrette ses amis Sonia et Florian.
Mais il est si loin, si loin, qu’il lui faudrait marcher longtemps avant de retrouver les deux enfants.
Une nuit, pendant que Robusto dort à la belle étoile,
des gens s’approchent sur la pointe des pieds
et s’emparent de lui, en criant :
« Regardez ce qu’on a trouvé !
Regardez ce qu’on a trouvé !
- Laissez-moi tranquille ! » hurle le robot.
Il veut s’enfuir, mais dix hommes le ficèlent solidement
et le pauvre Robusto ne peut plus bouger.
On le frotte, on le brique pour le faire briller.
On nettoie sa casquette à triple antenne.
On graisse tous les boutons colorés qu’il a autour du cou.
On verse de l’huile sur ses ressorts dorés.
Puis on le place dans un bloc de verre,
une vitrine incassable,
que le plus fort de tous les robots ne pourrait jamais briser.
Enfin, on installe le bloc de verre dans un musée,
et tous les jours,
des milliers de visiteurs viennent l’admirer.
« Incroyable ! C’est un robot !
Un vrai, pas un faux ! »
D’abord, Robusto tambourine
contre les parois de sa prison...
Il gesticule comme un fou...
Il bondit et rebondit dans les sens sur ses ressorts...
Il crie, il pleure, il supplie :
« Je suis un robot libre !
Je veux retourner dans mon pays ! »
Mais les spectateurs applaudissent,
croyant qu’il s’agit d’un numéro de cirque,
et personne ne prête attention à ce qu’il dit.
Alors Robusto perd tout espoir
de sortir un jour de cette cage en verre.
Il n’articule plus un mot.
Il ne bouge plus
et il ne fait plus clignoter ses boutons dorés.
Quelques mois plus tard,
le contenu du musée est transporté
vers une direction inconnue.
On empile les énormes caisses
dans les cales d’un bateau gigantesque.
Et un long voyage en mer commence.
« Nous quittons l’Amérique,
lui a dit le directeur du musée.
Tu vas participer à une célèbre exposition
de l’autre côté de l’océan Atlantique.
- Je m’en moque », a soupiré Robusto
sans même entrouvrir les yeux.
Le voyage dure longtemps.
Quand le robot accepte enfin de regarder autour de lui,
il comprend qu’il est simplement dans un autre musée
où d’autres visiteurs crient encore :
« Incroyable ! C’est un robot !
Un vrai, pas un faux ! »
Soudain, un voix lui fait dresser
les antennes sur la tête :
« C’est Robusto ! »
Le robot se retourne :
à quelques pas de sa prison
se tiennent Sonia et Florian.
Les deux enfants attendent
que les visiteurs se soient un peu éloignés...
et ils s’approchent du bloc de verre.
« Tu nous as beaucoup manqué, chuchote Florian.
Comment peut-on te sortir de là ?
- Où est la clef pour ouvrir la vitrine ? »
ajoute Sonia à voix basse.
Robusto montre un gardien du bout du doigt,
tout en hochant la tête :
« La clef se trouve dans la poche intérieure
de la veste de ce bonhomme tout maigrichon.
Vous n’arriverez jamais à l’attraper...
- C’est ce qu’on verra ! » décide Sonia.
Florian fait aussitôt le guet.
Sa sœur se dirige vers le gardien du musée.
Pendant que les visiteurs demandent
des renseignements au gardien attentif,
Sonia glisse discrètement la main
dans la poche intérieure...
et elle en ressort une clef minuscule.
« Elle a réussi, soupire Florian.
- Elle a réussi », répète Robusto très ému.
La petite fille fait le tour de la vitrine ;
elle introduit la clef dans la serrure
et elle ouvre la porte de verre.
Vite, Robusto sort de sa prison
et il suit ses deux amis.
« Le robot s’enfuit ! Rattrapez-le !
Le robot s’enfuit ! » hurle le gardien.
Les visiteurs se ruent vers la sortie,
se cognant les uns aux autres...
et répétant :
« Le robot s’enfuit ! Rattrapez-le !
Le gardien s’enfuit ! Ligotez-le !
Le gardien revient ! Robotez-le ! »
Et dans la panique,
c’est le gardien qui se retrouve enfermé
dans le bloc de verre et qui supplie :
« Je suis un gardien libre !
Je veux retourner dans mon pays ! »
Dès qu’ils atteignent la rue,
Sonia et Florian bondissent sur le dos de Robusto
qui file à toute vitesse, dépassant les motos,
doublant les camions et les autos...
bondissant de tous ses ressorts
pour éviter les croisement et les embouteillages.
Enfin, le robot se retrouve
dans la chambre des deux enfants,
et il est très surpris de la trouvée rangée.
« On a appris, explique Sonia.
- Ce n’est pas très compliqué ! »
précise Florian en riant.
Alors Robusto sourit doucement,
puis il se glisse avec délices
tout au fond du placard du couloir,
juste derrière l’aspirateur à trois moteurs...
et il murmure avant de s’endormir :
« Je suis un robot libre...
et j’ai regagné mon pays. »