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(5-9 ans) Atroce, le tricératops (Histoires (enfants))

ATROCE, LE TRICERATOPS


Ann Rocard




Il y a fort longtemps vivaient d'énormes bêtes, couvertes de cuirasses. Elles n'attaquaient jamais personne, mais elles pouvaient se défendre grâce aux collerettes osseuses qui protégeaient leurs nuques et aux cornes pointues qui ornaient leurs têtes.
Elles avaient l'air terribles. Pourtant elles ne mangeaient que de l'herbe et des feuilles.

Atroce, le petit tricératops était le plus laid de tous. Il imaginait qu'il était superbe et il rêvait de participer à un concours de beauté.
Quand il voyait ses parents, il était horrifié et il grimaçait :
« Comment puis-je avoir un père et une mère pareils ? Ils sont affreux... »
Quand il regardait Lèkominpou et Mochkommetou, son frère et sa sœur, il avait un haut-le-coeur :
« Ils sont hideux ! »
Et Atroce filait à toute vitesse en direction de la rivière.

Ce jour-là, l'eau était particulièrement claire, il se pencha pour se rafraîchir et aperçut une bête bien plus affreuse que ses parents, bien plus hideuse que Lèkominpou et Mochkometou !
Le tricératops sursauta :
« Au secours ! Il y a un monstre dans la rivière. »
Ses parents, son frère et sa sœur accoururent.
Atroce se pencha de nouveau :
« Il est affreux, il est hideux...
— Comme toi, dit Lèkominpou.
— Il a trois cornes sur la tête...
— Comme nous, s'amusa Mochkometou.
— Il est couvert de cabosses...
— Mais c'est ton image, expliqua son père. Ton image qui se reflète dans l'eau.
— Ce n'est pas un monstre, dit gentiment sa mère. Mais un petit tricératops. »

Quel choc pour Atroce ! Lui qui se croyait si beau... C'était le plus laid de la famille. Il ne pourrait jamais participer à un concours de beauté.
Quand il fut de nouveau seul, il s'assit près d'un rocher et ne bougea plus.

Une petite voix le tira de ses réflexions :
« Oh, que tu es costaud ! »
Atroce se retourna : une bestiole le regardait d'un air admiratif. Elle ne portait qu'une seule corne et elle était nettement plus petite que lui.
« Bonjour, mon nom, c’est Astiko. Et toi ?
— Atroce, répondit le tricératops.
—Je préférerais t’appeler Triple-corne. D'accord ?
— D'accord », dit le tricératops qui commençait à trouver la bestiole bien sympathique.

La bestiole s'approcha de l'eau et poussa un cri :
« Un monstre dans la rivière ! Il est affreux, il est hideux... Il a une corne et il est couvert de cabosses. »
Atroce sourit. Il n'était pas le seul à se tromper. Il se pencha au-dessus de la rivière, juste à côté d'Astiko, et il murmura :
« Il y a deux images : la tienne et la mienne. Nous ne sommes pas très beaux, ni l'un ni l'autre... tant pis !
— Ça peut nous empêcher d'être les meilleurs amis du monde ? demanda la bestiole, soudain inquiète.
— Sûrement pas ! » s'exclama Atroce.

Et il entraîna son nouveau copain sous les fougères géantes. Il était affreux comme lui. Il était hideux comme lui. Il était couvert de cabosses comme lui. Mais il avait un cœur énorme, un cœur qui débordait de bonheur... et il n'y avait que ça qui comptait !