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Comment le livre CORDES SENSIBLES a-t-il pris forme ?

Comment le livre "CORDES SENSIBLES" a-t-il pris forme ?



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I - Commande

2005 : les éditions Averbode me contactent et me demandent un texte pour la collection 7 en poche, ce qui me fait très plaisir, vous vous en doutez.

II - Proposition

Début mars, je propose l’écriture d’une série de nouvelles faisant intervenir un groupe de jeunes. Ces nouvelles se suivraient et me permettraient d’aborder des genres différents (fantastique, dramatique...). Il me reste à trouver les personnages récurrents et un point fort qui relie la série de nouvelles.

III - Gling !

Dès le lendemain, l’idée jaillit. Le lien sera la musique, les différents personnages appartenant à un même groupe.

IV - Enquête

Je me lance dans une petite enquête auprès de musiciens appartenant à des groupes de musique, entre autres Yann, l’un de mes fils, qui joue du violon, du piano et des percussions dans plusieurs groupes de jeunes.
Yann est à ce moment-là en Norvège où il travaille pendant six mois. Il envoie des messages à ses amis musiciens de Clermont-Ferrand (c’est là qu’il fait ses études) et me transmet des anecdotes.
En Norvège, Yann fait partie d’un groupe aux multiples nationalités (espagnols, irlandais, italiens, etc. tous passionnés de musique), le 7th Circus, anciennement nommé Rock on the pizza. J’aurai l’occasion d’assister à l’un de leurs concerts en rendant visite à Yann au mois d’avril.


Voici quelques exemples vécus envoyés par Yann par email le 6 avril (parmi une longue liste). Vous reconnaîtrez certaines anecdotes que j’ai utilisées ou détournées pour le roman :
« Je suis tombé en panne pour le synthé à une heure du concert, à 22h, impossible d’en acheter.
Notre batteur s’est cassé le coccyx, impossible de s’asseoir et donc de jouer de la batterie pendant deux mois.
Deux copines à qui on avait demandé de faire des essais de chant et qui chantaient trop faux ; difficile de le leur dire.
Cassage de cordes en plein concert, sans rechange.
Gros larsen pendant le concert.
Concert avec personne qui regarde.
Recherche du nom du groupe après quelques verres, et ça a donné les fonky forest paradise orchestra, les soul brothers of sound, le blanc pêche au bar, ou encore Mais où es-tu Alfonse ?
Concert à la patinoire où il fait tellement froid qu’on ne peut pas bouger les doigts, et du coup le sax se désaccorde en permanence. »
Son copain batteur se joint à lui le 10 avril (voici quelques extraits de son message) :
« Yo ! L’histoire du coccyx. Mais aussi le petit doigt cassé, mon épaule cassée, mon entorse au pouce qui ne guérit pas... Cassage de baguette (là, je censure les gros mots qui accompagnent l’explication), cassage de pédale de grosse caisse avant le concert. Vol de matos, dramatique et bien connu pour les jeunes qui n’ont pas beaucoup de sous. Recherche d’un nouveau quand un membre se tire...... »

Ayant d’autres textes à terminer, des cours de théâtre à donner (avec spectacles à préparer), de nombreux déplacements dans les écoles, collèges, lycées et salons du livre, je ne peux pas consacrer beaucoup de temps à CORDES SENSIBLES. Je laisse donc mûrir le projet en prenant des notes.
Phases V et VI : plus ou moins de façon parallèle.

V - Personnages

Mise au point des personnages. Réalisation des fiches d’identité.
Au fur et à mesure que j’invente les personnages, je gribouille des petites fiches, notant ce qui les caractérise, les décrivant... Je procède toujours ainsi quand j’écris un roman pour ados ou adultes, ou bien une longue pièce comportant de nombreux personnages.

Voir dans un autre dossier comment sont nés certains personnages.

VI - Certains passages

Ecriture de certains passages, au fil du crayon.

VII - Notes et recherches

Au fur et à mesure, je note les grandes lignes, je recherche des éléments intéressants (je me plonge par exemple dans une encyclopédie des instruments de musique), je relève des expressions de la langue française renvoyant à la musique.
Tous ces aspects sont aussi des déclencheurs de personnages et d’anecdotes.


Un ukulélé (prononcer Youkoulélé)


Un jaltarang (instrument indien)


Avant d’écrire un texte, je griffonne souvent tout ce qui me passe par la tête, expressions et autres associations d’idées ; c’est ce que j’appelle ma boîte à mots ou à idées, ma petite réserve. J’adore jouer sur les mots, et par exemple prendre certaines expressions au sens propre au lieu du sens figuré.
Parmi les 4 pages d’expressions relevées, en voici quelques-unes, utilisées ou non dans le livre :
« Accorder ses violons = se mettre d’accord.
Renvoyer dans les cordes = repousser.
Jouer des flûtes = s’enfuir à toutes jambes.
Si cela me chante = si cela me plaît.
Dévoiler ses batteries = dévoiler ses plans.
Sans tambour ni trompette = secrètement et sans bruit.
Entendre des voix = entendre des hallucinations auditives. »

J’avais noté aussi d’autres éléments dans ma boîte à mots, tels que :
« Rôle médiateur de la musique.
Musicothérapie. Utilisation de la musique en rééducation.
Musique : facteur de cohésion et de partage.
Pan aurait inventé la flûte dont il aurait réjoui les dieux...
Le son de la flûte est la musique céleste, la voix des anges.
etc. »

VIII - Rédaction

Mai 2005 : je commence à écrire.
Voici un extrait du message envoyé à Yann le 11 mai :
« Mes musicos prennent vie.
Le fondateur du groupe (qui n’a pas de nom pour l’instant) : Raphaël, dit Raf, guitariste.
Celui qui agit lentement mais sûrement, Max, le violoncelliste...
Guillaume Tell, l’intello qui fait tout le contraire de son père.
Les autres personnages naissent au fil des idées.
Je m’éclate car je me laisse aller. C’est le bonheur. Rien à voir avec un roman hyper structuré. »
Et Yann précise quelques jours plus tard :
« Dans la majorité des groupe de jeunes, c’est toujours le guitariste qui crée les groupes... », ça tombe bien !

J’écris à la main chaque « chapitre » d’une seule traite (ou parfois, une partie du chapitre), en laissant filer mon crayon et mes idées (sorte d’écriture automatique).
Dans un deuxième temps, je dactylographie dans la journée ce que j’ai écrit en général le matin en me réveillant. D’ailleurs, j’écris tellement mal que je me relis parfois avec difficulté !


Ensuite, je lis à haute voix (toujours !) ce que je viens de « taper » et j’apporte des modifications si nécessaire.

Evolution des personnages :
Au fur et à mesure, je précise le contenu des fiches d’identité, par exemple façons de parler, expressions de langage pour mieux différencier les personnages. Je m’interroge sur les rapports entre les éléments du groupe. C’est très intéressant de creuser le côté psychologique de chacun et de le faire évoluer.



IX - Ecriture (suite) et relecture

Ordre dans lequel sont rédigés les différents « chapitres » (au début, les titres ne sont pas fixés et je retiens le nom du personnage principal). Vous pouvez remarquer qu’il ne s’agit pas de l’ordre définitif :
- Raphaël
- Max
(l’anecdote au sujet de Yo-Yo Ma a été vécue par mon fils Loys quand il commençait le violoncelle à 6 ans 1/2... maintenant, il a presque 20 ans !)
- Guillaume
- Tristan (début de l’histoire de la flûte)
- 1er texte Camille.
Je voulais utiliser l’écriture théâtrale. J’ai donc pensé à une sorte de sketch à répétition qui reviendrait au fil du livre - sorte de moment de détente qui ferait avancer l’action en donnant des renseignements, par exemple, sur ce que devient Camille et sur le groupe lui-même.
- Mélody
Je suis partie de l’anecdote citée par Yann (voir précédemment).
- Félix (violon - personnage qui était déjà apparu dans l’écriture de l’histoire de la flûte)
- I’m singin’
J’écris ce texte pour intégrer les nouveaux - autres instruments et voix - et déraper sur Guillaume. Il me semble aussi primordial que la musique intervienne vraiment dans le livre. J’écris donc les paroles de la chanson et demande à mon ami musicien, Gérard Legoupil, de composer la musique avec accompagnement simple à la guitare. Je le remercie d’avoir « joué le jeu » amicalement.
Avec Gérard Legoupil, nous avons concocté plus de 150 chansons, pour tous les âges (de la maternelle aux adultes). Les établissements scolaires qui le souhaitent peuvent nous demander le CD sur lequel est enregistrée cette chanson. Si vous voulez contacter Gérard Legoupil directement, vous pouvez lui envoyer un message : gerard.legoupil.free.fr


Ensuite

- Je note en vrac des idées de sketches où intervient Camille.
- Je fais le point sur ce qui manque et je projette l’écriture de textes placés aux bons endroits.

Suite de l’ordre dans lequel sont rédigés les « chapitres »

- Sketch n°2 avec Camille
- Bric-à-brac
En commençant l’écriture de ce texte, je sais qu’il va s’agir de fantastique avec décalage dans le miroir, mais je n’en sais pas plus.
Dans mes livres et pièces, les thèmes du miroir et du dédoublement sont des thèmes récurrents.
- Coup d’envoi
(à partir d’une anecdote de Yann : concert sans public)
- L’homme à l’harmonica
(remarque : mon fils aîné Fabien et l’un de ses copains s’étaient une fois déguisés en danseuses en tutu rose lors d’un carnaval étudiant. Ils dansaient le french-cancan pour tenter de se réchauffer. En vain...)
- Sketch de Camille avec les claquettes
Autrefois, je faisais des claquettes et j'adorais ça. J'ai encore mes chaussures spéciales... on ne sait jamais !



Carnaval étudiant à Caen


Parenthèse

Je pars en déplacement pour le salon de Montauban pendant une semaine. J’emporte mon travail en cours, mais n’ai absolument pas le temps d’écrire.
De retour huit jours plus tard, j’ai du mal à me remettre « dans le bain ». À chaque fois que je dois m’interrompre, c’est la même chose... le retour est difficile. Alors qu’en phase d’écriture, les mots s’échappent d’eux-mêmes.

Suite de l’ordre dans lequel sont rédigés les « chapitres »

- Je commence à rédiger le tout début de la fête de la musique... Puis soudain, changement de bord, et me voilà partie dans une autre direction...
- ... et j’écris une nouvelle de science-fiction à placer à la fin du livre : Découverte exceptionnelle. Mais cette nouvelle ne verra pas le jour. Finalement, je la supprimerai.

Relecture de l’ensemble déjà rédigé :
pour avoir une vue générale et vérifier aussi les façons de parler des uns et des autres. J’apporte quelques modifications.
Je réalise que je n’ai pas de point de vue féminin. Il faut donc que les dernières nouvelles donnent plus de vie à Jeanne et aux jumelles. Je repense à Mélody, totalement inexistante... elle aussi, je dois la faire vivre. Après réflexion, je retiens le point de vue de Mélody, extérieure aux musiciens, à la technique pendant le grand concert.

Suite de l’ordre dans lequel sont rédigés les « chapitres » :
- En avant la musique (point de vue de Mélody - utilisation du rêve à différencier du genre fantastique)
- Dernier round (avec les jumelles)
- Fête de la musique (qui renvoie au conte, au pouvoir de la musique tel qu’on peut le trouver dans certains contes traditionnels)
gong

X - Comité de lecture

Après une dernière lecture de l’ensemble, je laisse mon manuscrit se reposer, en ce qui me concerne...
Et je le confie à mes lecteurs. Pour chacun de mes livres pour ados et adultes, j’aime avoir les réactions de mon petit comité de lecture. Suivant les manuscrits, les lecteurs ne sont pas toujours les mêmes.
Pour CORDES SENSIBLES, je remercie Yann (22 ans), Mathilde et Fabien (25 ans), Sonia (17 ans), Gwladys (15 ans), Lucile (16 ans), Mélodie (12 ans)... et j’excuse Maxime et les autres qui n’ont pas eu le temps de finir de lire mon texte.

Suivant le lieu d’habitation des lecteurs, on me remet le manuscrit annoté, ou bien des remarques par internet. Je retranscris quelques exemples.
Les remarques (négatives ou positives) de Yann me sont fort utiles en ce qui concerne la musique. Voici quelques extraits qu’il me fait parvenir depuis la Norvège :
« Ils sont balèzes tes sicos, pas besoin de chercher les accords... », et il me précise comment ça se passe dans un groupe. Autre remarque avant un concert : « Et les pancartes placardées dans toute la ville ? Lycées, mac do, bars, resto U, poteaux électriques, abribus, ascenseurs... »
Ou bien, quand Camille doit faire un essai devant le groupe : « Ça, c’est bien le coup de l’essai. La semaine dernière, c’était Genny avec son accordéon. Tout seul devant tous les sicos qui te regardent, c’est pas toujours facile. Et les vrais sicos, quand ce n’est pas bien, ils te le font comprendre. Je me souviens de mon tour, j’étais pas fier. »
Les réactions des autres lecteurs sont également importantes. S’il y a des passages qui ne semblent pas clairs, s’ils souhaitent que quelque chose soit précisé ou développé.
Fabien, par exemple, note dans le premier sketch qui s’appelait D’un coup de cuillère à pot (c’est lui qui a trouvé que les sketches correspondaient à des tranches de vie, voilà pourquoi j’ai changé les titres) :
« Il faudrait expliquer qu’on peut vraiment faire de la batterie avec des casseroles, des verres... comme dans l’opéra-rock qu’on vient de voir. »

J’ai noté plus haut que je n’avais pas conservé le dernier texte (science-fiction) ; voici la réaction finale de Mathilde : « Top ! mais je suis un peu déçue par la fin. Elle n’est pas vraiment sur la même longueur d’onde que le reste de l’histoire... », Fabien ajoute : « C’est vrai. La fin est loufoque, pas à la hauteur . », et Gwladys : « Au dernier chapitre, on se retrouve des années plus tard, ça fait bizarre, on a du mal à comprendre. »
Note de Sonia qui a craqué sur le violoncelliste : « L’idée de Max est géniale. J’adore. », et de Mélodie : « J’ai lu ton livre, il est super, drôle, mais souvent on se demande ce que vient faire Dieu dans l’histoire. » alors que pour Gwladys : « Quand il parle au bon Dieu, y’a de l’humour, ce qui est plutôt cool. »

XI - Retouches et modifications

Début juin : je retravaille mon manuscrit en tenant compte de toutes les réactions et remarques de mes lecteurs (qui sont parfois contradictoires !)
Je remplace le dernier « chapitre », intitulé Découverte exceptionnelle (science-fiction), par un texte que vous pourrez découvrir dans un autre dossier : Album (suite possible), qui n’est pas un texte de science-fiction, mais raconte ce que sont devenus les différents musiciens.
Et comme promis, j’envoie mon manuscrit mi-juin à Mélanie Cornez et Jean-Marie Delmotte des éditions Averbode.


balalaïka et ukulélé

Juillet 05 : à part des petites bricoles, tous deux réagissent par rapport au dernier « chapitre » :
« La fin est beaucoup plus forte si elle se termine à telle page... », c’est-à-dire à la fin de la fête de la musique. Voilà pourquoi vous pourrez découvrir le texte Album sur mon site, et le comparer à ceux que vous avez vous-mêmes imaginés.
Ainsi, une fenêtre reste-t-elle ouverte sur l’imaginaire... À chaque lecteur d’inventer sa propre suite de l’histoire des Youkoulélés !
À la demande de l’éditrice, je rédige également la présentation de l’auteur (ce n’est jamais facile de parler de soi !)
De son côté, l’éditrice supervise la réalisation de la couverture (que j’aime beaucoup... et vous ?)

XII - Ultime relecture, impression et naissance

Début octobre : lecture du texte mis en place par l’éditeur, avant l’impression. C’est à ce moment-là qu’on trouve des fautes de frappe, des coquilles embêtantes... et qu’on en laisse parfois passer !
Impression... et naissance de CORDES SENSIBLES. Un livre que j’aime vraiment, et j’espère qu’il en sera de même pour vous !
J’attends vos réactions avec impatience. N’hésitez pas à laisser vos remarques sur le livre d’or ou le forum des lecteurs, et si votre adresse est exacte, vous recevrez rapidement une réponse.



Chez nous, la musique on adore !